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« Certains décès peuvent être évités avec les bonnes règles de couchage »

Sommaire

Cécile Dubois est pédiatre. Depuis trois ans, elle est la responsable du centre de référence de la mort inattendue du nourrisson (MIN) au sein de l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (92). En parallèle elle travaille aussi au sein du SAMU pédiatrique.

Mort inattendue, mort subite, unexplaned death, inexpected death, on entend différents termes. Quel-est le bon ?

Le terme large est Mort inattendue du nourrisson (MIN). Selon la Haute autorité de santé (HAS) elle se définit comme « une mort survenant brutalement chez un nourrisson (c’est-à-dire âgé de 0 à 2 ans) alors que rien, dans ses antécédents connus, ne pouvait le laisser prévoir ». Cette mort inattendue du nourrisson se manifeste le plus souvent durant le sommeil chez des bébés semblant jusque-là en bonne santé. Dans 90% des cas elle survient avant l’âge 6 mois.

On va parler de mort subite du nourrisson pour les décès survenant chez des enfants de moins d’un an et qui restent inexpliqués après des investigations post-mortem complètes (cela comprend une analyse des circonstances de décès, des examens médicaux et une autopsie).

Est-ce que les MIN sont dues à des maltraitances, ou au syndrome du bébé-secoué ?

Non, dans la majorité des cas les morts inattendues du nourrisson ne sont pas dues à des maltraitances. Mais malheureusement c’est parfois le cas. Pour faire la part des choses, nous réalisons certains examens de manière systématique dont des radiographies de squelette à la recherche de fracture, un scanner cérébral à la recherche de saignement intracrânien (en lien avec le syndrome du bébé secoué) et un fond d’œil à la recherche d’hémorragies rétiniennes (orientant elle aussi vers un syndrome du bébé secoué).

Pourquoi la MIN est-elle un sujet tabou ?

Tabou, je ne sais pas trop. Tous les parents ont cette angoisse de « mort subite » pour les citer. Mais en effet, certains professionnels de la petite enfance n’osent pas en parler, car ils craignent de faire peur, et ne savent pas bien à quel moment évoquer les conseils de prévention de crainte de rompre un moment joyeux : durant la grossesse ? à la naissance ? Selon moi, il faudrait qu’on arrive à en parler tôt, notamment pendant la grossesse, afin d’informer précocement des règles de couchage et d’éviter les achats à risque (tour de lit, coussin de positionnement,…).

Certains pensent même que cette prévention devrait avoir lieu dès l’enfance. J’ai entendu des professionnels de crèche expliquer avoir supprimé toutes les couvertures & oreillers des jeux d’enfants et avoir fabriqué des turbulettes pour les poupons. Ainsi, leur but est d’apporter une vision idéale sur le couchage des nourrissons dès le plus jeune âge.

L’autre problématique est l’absence de prévention nationale à grande échelle.

Quels-sont les messages de prévention que les parents et aussi les professionnels de la petite enfance doivent retenir ?

De nombreux décès pourraient être évités avec quelques règles simples de couchage.

Le premier conseil consiste à coucher son bébé à plat sur le dos. Cette recommandation a permis de diminuer d’environ 75 % le nombre de MIN en France depuis les années 90. Néanmoins, il est important de mentionner qu’il ne faut en aucun cas utiliser de dispositifs (cale-bébé ou autre) pour maintenir son bébé sur le dos. En entravant les mouvements du nourrisson, ces dispositifs peuvent être responsable d’enfouissement et d’étouffement. De plus, il est normal qu’en grandissant, un bébé cherche à se retourner, puis y arrive. Une fois qu’il a totalement acquis le retournement, et qu’il se met de lui-même sur le ventre, on peut le laisser choisir sa position de sommeil.

Evitez également dans le lit tout objet pouvant occasionner un enfouissement et étouffement : peluches, oreiller, couette, cale-bébé, tour de lit… En effet, il arrive que les bébés ne réalisent pas qu’ils sont en manque d’oxygène, que leur réflexe d’éveil dysfonctionne. Dans ce cas, ils ne seront pas en mesure de réagir ni de se dégager à temps si un objet les empêche de respirer (couverture, oreiller, doudou,…). C’est aussi pour cela que les nourrissons doivent dormir dans une turbulette et non avec une couette ou une couverture.

Le matelas doit être ferme et aux bonnes dimensions afin d’éviter la présence d’interstices dans lesquels l’enfant pourrait se glisser et se coincer. Il ne doit être couvert que d’un drap housse bien tendu.

Il est préférable d’utiliser un berceau ou un lit d’enfant à barreaux, aérés.

A noter qu’un bon couchage se fait dans une chambre dont la température est comprise entre 18° et 20°C lorsqu’on utilise le chauffage. Et l’été, on adapte l’habillement du bébé.

Enfin, l’exposition au tabac est à proscrire. Le tabagisme, notamment pendant la grossesse reste l’un des facteurs de risques majeur de mort inattendue du nourrisson.

Le cododo est un mode de couchage assez répandu. Pourtant, vous dites que c’est dangereux ?

En effet, un nourrisson doit dormir seul dans son lit, mais si possible le lit du bébé sera placé dans la chambre des parents pendant les 6 premiers mois. Le cododo, aussi bien avec les parents ou avec un autre enfant, est dangereux car le nourrisson peut s’étouffer avec les objets environnants (couette, oreillers,…), chuter du lit ou encore être étouffé involontairement par le tiers. Et si on s’endort en faisant un câlin à notre enfant, avec notre bras sur son thorax c’est dangereux car il est possible que notre nourrisson ne puisse pas lutter contre le poids de notre bras (particulièrement lourd lorsqu’on dort profondément).

Parlez-nous de votre travail au sein du centre de référence MIN, y a-t-il un protocole ? Qu’en est-il de l’autopsie ?

Notre travail au sein du centre de référence est double : il consiste d’une part à prendre en charge l’enfant et à comprendre les causes du décès, et d’autre part nous sommes là pour accompagner les familles (parents, fratrie,…) dans cette épreuve difficile : les guider dans les démarches à effectuer et les soutenir psychologiquement.

Il y a en effet un protocole établi par la Haute autorité de santé en 2007. Celui-ci vise à harmoniser la prise en charge des décès au sein de tous les centres de référence (au nombre de 37 en France), et en encadrant notamment les examens obligatoires. Chez l’enfant décédé, nous réalisons un ensemble d’examens (prélèvements sanguins, respiratoires, selles,…) et réalisons des imageries. L’autopsie est systématiquement proposée aux parents. Dans certains cas, elle peut être imposée par le parquet. L’objectif est d’apporter des éléments de réponse aux parents et aussi prévenir les risques éventuels pour la fratrie. Malheureusement aujourd’hui encore, malgré des investigations complètes, il arrive parfois que la cause exacte du décès ne soit pas très claire.

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